Le bail commercial constitue l’actif principal des commerçants si ce n’est le seul actif. Tout litige avec le bailleur prend rapidement une tournure vitale voire fatale.
Le Gouvernement n’a malheureusement pas eu le courage de déclarer les mois de mars et d’avril période blanche pour ce qui concerne les échéances de loyers des commerçants frappés par une mesure de fermeture administrative.
C’est donc le moment de faire le point sur le sort des loyers commerciaux du 2ème trimestre 2020.
Dans le cadre de la pandémie actuelle, le Président de la République a apport son soutien aux entreprises lors de son allocution du 16 mars 2020, des textes sont venus entérinés ces propos.
L’ordonnance n°2020-316 en date du 25 mars 2020 ouvrait la possibilité à certaines personnes physiques et morales exerçant une des activités économiques particulièrement affectées par la pandémie de ne pas souffrir de pénalités financières, d’intérêts ou de déchéance du terme en raison du défaut de paiement des loyers et charges pesant sur leurs locaux commerciaux, et ce, en faisant fi des dispositions contractuelles de leur contrat de bail.
Par décret n°2020-378 en date du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférent aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19, des précisions sur les modalités de traitement des difficultés de paiements des loyers et charges des locaux professionnels et commerciaux ont été apportées.
- Les entreprises concernées par le dispositif
Pour être éligibles aux mécanismes d’aides, les entreprises doivent satisfaire un certain nombre d’obligations cumulatives :
- Avoir leur résidence fiscale sur le territoire français ;
- Ne pas avoir déclarées être en état de cessation des paiements depuis le 1er mars 2020 ;
- Ne pas employer plus de dix salariés ;
- Avoir un chiffre d’affaire inférieur à un million d’euros (ou pour les entreprises nouvellement créées une moyenne de chiffre d’affaire inférieure à 83.300 euros) ;
- Dégager un bénéfice inférieur à 60.000 euros ;
- Avoir fait l’objet d’une interdiction administrative d’accueil du public entre le 1er et le 31 mars 2020 ou avoir subi une perte de chiffre d’affaires de plus de 70 % au cours de cette même période.
Aux termes de l’article 2 du décret, les entreprises devront justifier remplir les conditions susmentionnées « en produisant une déclaration sur l’honneur attestant du respect des conditions prévues […] et de l’exactitude des informations déclarées ».
Le spectre des entreprises éligibles est assez large pour inclure la plupart des commerçants et artisans obligés de cesser leurs activités.
- Modalités de suspension des loyers commerciaux
Le texte prévoit que lesdites entreprises ne pourront encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.
Ces dispositions s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervenait à compter du 12 mars 2020, et ce jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après la date de levée de l’état d’urgence sanitaire.
A ce jour, il n’est prévu aucune mesure de suspension mais bien un report et un étalement des loyers qui demeureront dès lors exigibles à compter de la levée des interdictions administratives et de la reprise des activités…
- Les recommandations du cabinet
Nous estimons que la crise sanitaire liée au COVID-19, présente les caractéristiques de la force majeure qui est définie à l’article 1218 du Code civil comme :
« un évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées » et qui a pour effet « d’empêcher l’exécution de son obligation par le débiteur ».
La pandémie actuelle revêt donc les caractéristiques de la force majeure dans la mesure où les mesures administratives échappent aux contrôles des agents économiques, que ces évènements accablant l’économie ne pouvaient être envisagés lors de la conclusion du contrat et qu’ils ne peuvent nullement être évités dès lors que les mesures de fermeture ont été ordonnées par le gouvernement.
Or, au visa du second alinéa de l’article 1218, il est prévu que « si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ».
Ainsi, nous estimons que dès lors que cet empêchement est nécessairement temporaire, vous êtes en mesure de demander une suspension de vos loyers jusqu’à la levée des mesures portant fermeture administrative de vos établissements.
Toutefois, en cas d’échec de la négociation amiable entre bailleur et locataire, seul un juge pourra effectivement décider si le débiteur était ou non fondé à demander la suspension de ses loyers et non un simple report.
La bonne stratégie à adopter vis-à-vis de votre bailleur va dépendre d’abord du montant des intérêts en jeu. Si le montant de votre loyer est faible, notre recommandation est de négocier un report/remise puisqu’en effet introduire une procédure judiciaire à un coût.
Si le montant du loyer constitue une charge fixe importante et si votre bailleur refuse le principe d’une solution négociée sur la base d’une annulation ou d’un report/remise, l’option contentieuse devient économiquement justifiée.